Paroles de la chanson Awah Awah par Idir

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Paroles de la chanson Awah Awah par Idir

Quand j'ai écrit cette chanson, j'ai automatiquement pensé à ma Maman donc inévitablement à la vôtre aussi.
Je me souviens, je devais avoir 7-8 ans pas plus, nous étions en Kabylie, elle était là à côté de moi en train de battre du lait qu'elle a mit dans une calebasse, vous savez une espèce de baratte.

Elle le battait en faisant ce geste là peut-être qu'à un certain moment vous avez déjà vu faire. Et quand elle faisait son acte, son travail, elle le rythmait aussi des mots, des idées, des chants, des soupirs, ça lui arrivait de pleurer des fois même d'esquisser un sourire à des moments aussi. Et vous savez, sur le coup, j'étais jeune, beaucoup trop petit pour comprendre.
Ayant bien sûr grandi et surtout ayant emmagasiner toutes ces choses dans ma tête, dans ma mémoire, je me suis rendu compte alors qu'elle ne faisait que se confier à son instrument ; parce qu'elle n'avait pas d'autre interlocuteur valable. Et c'est là où j'ai compris une chose, cette image de femme qui était là, subissant la loi du milieu, du mâle, et qui se confiait donc à une chose inapte, c'est là où j'ai compris une chose a**ez importante dans ma vie : c'est que ce n'est déjà pas évident d'être une femme en général, dans n'importe quelle société, qu'elle soit moderne, avancée, aboutie ou non. Je crois que ça l'est encore moins dans des sociétés à fortes traditions telles que la mienne et j'en voulais pour preuve, cette dame qui se trouvait être ma Mère.

J'ai compris une deuxième chose, c'est que j'ai sorti inconsciemment cette chanson du fond de mon enfance à travers des visions que j'ai eues, que j'ai vécues, des sensations que j'ai éprouvées, j'ai tout de suite compris aussi qu'elle n'était plus à moi tout seul mais qu'elle nous appartenait tous. Parce que d'abord, on a tous une Maman et que -pour peu qu'on appartienne à une de ces sociétés à fortes traditions- on a une image de la mère a**ez spécifique, a**ez spéciale. Et à ce t**re, j'ai l'habitude donc de la partager avec vous en vous demandant une chose bien simple, ce que je fais depuis pas mal de temps : essayez ce soir, ce samedi soir à Puteaux d'avoir dans votre tête une image claire, précise, lumineuse de celle qui vous a donné la vie ou tout simplement de celle que vous aimez. Qu'elle soit ou non de ce monde, je pense qu'elle sera à jamais gravée dans nos cœurs.
Vous pourriez me dire « Pourquoi ? » bien sûr. Parce que l'un de vous pourrait me dire « bon, ma Maman est avec moi, on vit ensemble, y'a pas tellement de soucis ». Quelqu'un d'autre me dira : « j'ai d'ses nouvelles au téléphone, on se tient en contact ». Vous savez, ce n'est pas du tout pour ça, je vous l'demande parce que je suis convaincu que vis-à-vis d'une femme en général et d'une Maman en particulier, je crois que nous avons tous quelque chose à nous faire pardonner ou -à tout le moins- à nous reprocher. Ne dites pas « non » tout de suite. Rentrez en vous-même, questionnez-vous et vous verrez bien.
Laquelle ou lequel d'entre vous n'aura pas vu des larmes perlées sur leurs joues, surtout des larmes pour lesquelles nous avons une responsabilité plus ou moins directe. Sans compter toutes ces pleurs, tous ces larmes qu'elles ont versés à notre insu parce qu'elles n'auront pas voulu nous le montrer, soit par pudeur, soit par crainte de nous heurter, soit pour se dire « ma foi, bon, ces enfants, c'est moi qui les ai faits ; si quelqu'un doit se sacrifier autant que ce soit moi ».
Franchement, laquelle ou lequel d'entre nous tous aura été pêché dans les tréfonds de leur cœur le moindre frisson, la moindre de leur fragilité et surtout de voir en elle des Mamans couveuses ou des Mamans allaiteuses qui ne sont là que pour la reproduction ; alors qu'elles peuvent aussi avoir de la place pour un cœur contrarié, des amours contrariées, un désir frustré, etc....
Et à côté de cette femme qui est la nôtre, j'aimerai ; avec votre permission ; que l'on y a**ocie l'image de ces millions et de ces millions de femmes qui sont restées là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée et qui n'ont pas la chance de vivre des moments comme ceux de ce soir. Et là aussi, vous pourriez me dire « Pourquoi ? » Parce que, comme nous tous, ils nous arrivent de rêver et puis surtout de courir naïvement après nos rêves.
J'imagine que -si ce soir- on se mettait à penser à elles, il serait inscrit quelque part en haut dans le ciel de Dieu, qu'un soir de novembre -somme toute banal- dans une petite ville qui s'appelle Puteaux dans la région parisienne, quelques centaines de personnes étaient là ce soir, mais cette soirée banale devient exceptionnelle dans la mesure où ces quelques centaines de personnes, il n'y avait ni marocain, ni algérien, ni français, ni tunisien, ni autre, il y avait seulement quelques centaines de cœurs qui étaient là les uns à côté des autres prêts à sortir demain ce qu'ils ont de meilleur en émotions, en amour, en tendresse.

Et dans un élan commun, en pensant à elles, bien sûr, j'imagine une boule émotionnelle monter dans le ciel, traverser la mer et puis aller s'éparpiller en millions et en millions de petits morceaux, chaque petit morceau étant un tout p't** peu de baume dans leurs cœurs meurtris. Et c'est à ce moment là, où cette fois-ci, je suis sûr que ce n'est plus un rêve, on se dira dans un coin de ciel que ce soir là dans cette petite ville de Puteaux, ces quelques centaines de gens ont fait quelque chose de magnifique !

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