Paroles de la chanson Jean De Bruges par Jacques Brel

Paroles de la chanson Jean De Bruges par Jacques Brel

L’OURAGAN

À moi, Jean de Bruges
Grand quartier-maître sur La Coquette
Trente ans de mer et de tempêtes
À moi, Jean de Bruges
À moi
Tu offres un verre blond et joufflu
Tu offres un verre crémeux de bière
Et je te conte un ouragan
Le plus terrible ouragan
Qui ait fait trembler la terre
Alors, tu me l’offres ce verre 

Jean de Bruges, voilà ton verre
Jean de Bruges, voilà ta bière
Le houblon donne de l’ardeur
Et tu pourras mieux nous faire peur

Tudieu, tudieu, c’était un ouragan
D’abord, le vent, un vent méchant
Trop chaud, trop lourd, trop gris, trop fort
Un vent hideux comme la mort
Et puis la pluie, la pluie
Qui vient, qui va
Qui cogne, qui mord, qui bat
Une vraie pluie de Golgotha

Adieu, mon Bruges
Adieu, Brugeois
J’ai peur, je prie, je crie, j’ai froid
J’ai cru mourir cette fois-là

Alors est arrivée plus haute qu’un nuage
Et plus noire qu’un péché, plus longue qu’un voyage
Une vague bâtie et de roc et d’acier
La forge qui avance comme l’animal blessé
Soudain, elle s’est dressée sur ses vagues de derrière
La tête dans le ciel et les pieds dans l’enfer
Et puis, en retombant, la vague a tout brisé
Des monts ont disparu, des océans sont nés
Et elle a fait une île
En retombant sur terre
De ce faubourg de Bruges
Qu’on nomme l’Angleterre

Jean de Bruges, ton ouragan
Va-t’en le raconter à Gand
Bourgeois, passant, curé, vicaire
Poète, marchand, soldat, notaire
Si tu ne veux pas que l’on te gruge
Mieux vaut payer, payer à boire
Avant l’histoire qu’après l’histoire
De Jean de Bruges, de Jean de Bruges


LA BALEINE

À moi, à moi, Jean de Bruges
Grand quartier-maître sur La Coquette
Trente ans de mer et de tempêtes
À moi, Jean de Bruges
À moi, tu offres un verre blond et joufflu
Tu offres un verre crémeux de bière
Et je te raconte aussitôt
Ma pêche avec un cachalot
Qui était bien le plus gros de la terre
Alors, tu me l’offres, ce verre 

Jean de Bruges, voilà ton verre
Jean de Bruges, voilà ta bière
Le houblon te rendra causant
Tu mentiras plus aisément

C’était une baleine énorme
C’était une baleine énorme
Longue comme un canal de pluie
Large comme une brasserie
Avec des yeux comme des soleils
Comme vous n’en vîtes de pareils
C’était une baleine énorme, énorme

Sur La Coquette priait tout le monde
Cette baleine, c’est la fin du monde
Hurlait, hurlait, au mât de misaine
Hurlait, hurlait le capitaine
Mais c’est l’enfer et son démon
Hurlait, hurlait le moussaillon
Mais moi, mais moi
Sans peur, au bout du pont
Avec mes couteaux et harpons
Je lui ai sauté sur le dos
Frappé, tué
Plus de cachalot
Il a saigné, il a saigné
On n’a pas pu le ramener
C’était dans la mer d’Orient
Plus une seule baleine n’y bouge
Et cette mer, c’est la mer Rouge

Ah, Jean de Bruges
Cette baleine, tu nous l’as bien tuée cent fois
Ah ! Ah ! Jean de Bruges
Cette baleine, elle est à nous autant qu’à toi


LA SIRÈNE

À moi, Jean de Bruges
Grand quartier-maître sur La Coquette
Trente ans de mer et de tempêtes
À moi, Jean de Bruges
À moi, Jean de Bruges
Tu offres un verre blond et joufflu
Tu offres un verre crémeux de bière
Et je te conte mes amours
Car nul n’a connu mes amours
Qui étaient bien les plus étranges de la terre
Alors, tu me l’offres ce verre ?

Jean de Bruges, voilà ton verre
Jean de Bruges, voilà ta bière
Le houblon donne du sentiment
Tu pleureras plus aisément

C’était une sirène étrange
C’était une sirène étrange
Moitié sirène et moitié ange
Cela faisait longtemps de temps
Longtemps de temps, longtemps de vent
Qu’on l’entendait chanter la nuit
Et j’en pleurais comme aujourd’hui
Dieu, Dieu, sous la lune, qu’elle était belle
La mer lui servait de dentelle
Elle m’appelait, elle m’appelait
Elle m’aimait comme je l’aimais
Un soir, un soir, lassé d’être sœur Anne
Un soir de langueur océane
Je l’ai rejointe au coin d’une vague
Au loin s’endormait Copenhague

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